Les itinéraires (Part 2) – TCO et tableaux d’incompatibilité

Réalisation pratique

Itinéraires en transit rigide (Solution classique dite mécanique)

Rappel

Après avoir traité dans le tutoriel numéro 1, l’approche théorique et générale sur les itinéraires ferroviaires nous entrons maintenant dans le vif du sujet avec une fiche d’étude consacrée à la réalisation pratique d’un automatisme de gestion d’itinéraires dans EEP. Le modèle proposé sera appelé « solution classique » car il ne fera aucunement appel à la programmation en langage Lua de manière à permettre au plus grand nombre de pouvoir le construire sans trop de difficultés. Les utilisateurs familiarisés avec le langage Lua pourront certainement écrire un programme à partir des données qui vont être expliquées ici. Pour ceux qui ne maîtrisent pas ce langage informatique mais qui souhaiteraient se lancer dans la programmation il est envisagé de publier ultérieurement sur ce site des fiches afin de leur permettre de construire un automatisme numérisé.

Dans la première fiche nous avons appris que la vie d’un itinéraire se déroule en 5 phases si l’itinéraire peut être exécuté immédiatement ou en 6 phases dans le cas d’une mise en attente.

Rappelons ces phases :

  1. L’appel d’itinéraire,
  2. La vérification de compatibilité avec d’autres itinéraires,
  3. La mise en attente (le cas échéant),
  4. L’enclenchement et établissement d’itinéraire,
  5. L’exécution de l’itinéraire,
  6. La destruction d’itinéraire.

Nous verrons plus loin l’importance de bien distinguer ces phases lors de la construction des automatismes dans EEP. Cela permet :

  1. De parfaitement concevoir l’automatisme en fonction du faisceau que vous voulez automatiser,
  2. De grandement faciliter la construction et la programmation des itinéraires dans EEP,
  3. D’identifier rapidement les causes d’anomalies de fonctionnement.

Sur ce dernier point je voudrais insister sur le fait que les erreurs sont fréquentes malgré toute la vigilance que l’on peut exercer. Les fenêtres de contact à renseigner sont nombreuses et un oubli, une erreur par inadvertance sont vite arrivés. On pourra d’autant plus rapidement les localiser que l’on saura dans quelle phase l’erreur se produit ce qui restreindra le travail de recherche parmi les nombreux contacts concernés par cette même phase.

Nous verrons tous ces points dans l’article suivant quand il s’agira de passer à la réalisation concrète des itinéraires dans EEP. En attendant nous allons étudier comment préparer une bonne installation d’un système d’itinéraires. Cette étape est particulièrement importante car elle va permettre de bien visualiser les itinéraires.

La préparation comprend 3 étapes :

  1. La construction du TCO ou tableau de contrôle optique,
  2. L’établissement du tableau des itinéraires,
  3. L’établissement du tableau des incompatibilités.
Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 1
Figure n° 1
Figure n° 2

Les captures d’écran ci-dessus (Fig 1 et 2) nous montrent respectivement les faisceaux Est et Ouest qui encadrent la gare de passage de notre réseau. Très lisibles en l’état ils peuvent être exploités directement pour l’établissement du tableau des itinéraires. L’élaboration d’un TCO ne s’impose donc pas. Néanmoins nous le construirons pour les besoins de la présente fiche par souci pédagogique.

En revanche si je considère mon réseau « Lugdunum » le faisceau-Est d’entrée en gare de Lyon-Perrache se présente comme ceci en vue 3D (Fig 3) :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 3
Figure n° 3

Transposé dans la fenêtre 2D (Fig 4) un tel réseau n’est pas lisible. Le plan de voies se révèle difficilement exploitable comme le montre la vue ci-dessous :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 4
Figure n° 4

Dans ce cas-ci l’établissement d’un TCO devient impératif. Le tableau de contrôle optique est une représentation schématique d’un réseau qui permet à l’aiguilleur de suivre le trafic et de programmer les itinéraires.

Le TCO que je vous propose ici est inspiré des modèles réels pour une meilleure compréhension de ma fiche mais dans votre travail d’élaboration du tableau des itinéraires une simple feuille de papier, un crayon et une gomme suffiront. Ils vous permettront de tracer les voies en suivant le même principe de schématisation, l’essentiel étant que votre schéma soit aisément exploitable et que vous vous y retrouviez.

Cette étape pourra vous paraître fastidieuse mais au final vous gagnerez beaucoup de temps en identifiant clairement les itinéraires. La méthodologie que je vous suggère limite en effet les erreurs dans la construction des automatismes et permet d’identifier et résoudre plus facilement les anomalies de fonctionnement.

Construction du Tableau de Contrôle optique

La figure 5 ci-dessous doit maintenant vous être familière. Elle n’est ni plus, ni moins que la représentation globale des figures 1 et 2 ci-dessus :

  1. Les signaux d’itinéraires ont été numérotés en violet,
  2. Les voies sont numérotées avec en plus l’indication de provenance ou de destination,
  3. Les appareils de voie sont numérotés en vert.
Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 5
Figure n° 5

Avec un tel schéma même élaboré de façon plus rudimentaire la visualisation des itinéraires avec les signaux et appareils de voie devient beaucoup plus simple. Ainsi à titre d’exemple la vue n° 6 ci-dessous nous renseigne en lecture directe sur le tracé de l’ITN Paris – Marseille par la voie 3, lequel est matérialisé par une ligne en pointillés orange :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 6
Figure n° 6

Cet itinéraire emprunte les appareils de voie suivants : TJD 1 - A 302 - A 303 - TJD 2.

Ce même itinéraire est protégé à son entrée par le signal S 32 doublé en sortie de gare par le signal S 34. Dans le cas présent comme nous ne traitons que du transit rigide S 32 et S 34 devront être ouverts pour autoriser le passage du train. Déjà je vois les esprits observateurs émettre à juste titre quelques critiques sur un tel dispositif surtout si l’on considère que les trains sont susceptibles de s’arrêter en gare. Qu’ils se rassurent dans la configuration que je vous propose le transit souple s’impose à l’évidence. Nous reverrons donc notre gare dans la fiche qui traitera du transit souple et nous verrons alors qu’il est beaucoup plus adapté pour assurer une gestion fluide du trafic ferroviaire dans une gare.

La figure 7 ci-dessous nous donne un aperçu en fenêtre 3D de l’entrée Est de notre gare de passage afin que chacun puisse mieux visualiser notre configuration :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 7
Figure n° 7

On pourra facilement identifier à gauche le bâtiment voyageurs (BV) avec de gauche à droite, dans l’ordre, les voies 1, 2 et 3 sans oublier la bretelle qui cisaille la voie 2. Au premier plan à droite sur la voie 2 le signal contrôlant l’entrée des ITN 1 – 2 – 6 pour l’identification de ces itinéraires. Il s’agit d’un signal SNCF combiné qui présente un rappel de ralentissement indiquant dans le cas présent que le train sera aiguillé sur la voie 3.

Etablissement du tableau d’itinéraires

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 8
Figure n° 8

La figure 8 ci-dessus représente le tableau des itinéraires possibles. La partie gauche n’appelle pas de commentaires particuliers. En revanche la partie droite est de loin la plus importante. Elle devra être renseignée avec le plus grand soin. Tout d’abord en haut des colonnes sont désignés tous les appareils de voie de TJD1 à TJD 2 susceptibles d’être empruntés. Dans mon exemple 12 itinéraires sont listés. Chaque fois qu’un ITN emprunte un appareil de voie mention en est faite dans la case concernée.

Une fois rempli ce tableau devient très explicite. En lecture verticale des colonnes nous voyons immédiatement quels itinéraires sont incompatibles entre eux. Ainsi la lecture de la colonne TJD 1 montre que l’ITN 1 est incompatible avec les ITN 2 - 4 - 5 - 6 - 7 mais la colonne TJD 2 révèle aussi que ce même ITN 1 est incompatible avec ITN 8.

A partir de ce premier tableau nous pouvons maintenant construire un second tableau qui sera beaucoup plus facilement exploitable lorsque nous aborderons la phase de construction pratique de l’automatisme pilotant notre réseau en gare.

En attendant, le travail que nous venons d’effectuer nous permet d’énoncer la règle fondamentale qui définit les incompatibilités :

Deux itinéraires sont dits incompatibles dès lors qu’ils ont en commun au minimum 1 appareil de voie.

Il résulte de ce principe fondamental que des itinéraires ferroviaires qui ont en commun un appareil de voie (aiguillage ou traversée-jonction) et a fortiori plusieurs appareils de voie ne peuvent en aucun cas être exécutés en même temps par plusieurs convois.

Au fil du temps sont apparus deux concepts ou deux modes différents permettant une régulation du trafic ferroviaire en toute sécurité :

Le transit rigide

Chaque itinéraire est défini par son point d’entrée, ses appareils de voie sur son parcours et son point de sortie. Dans ce mode d’exploitation, en application strict du principe d’interdiction entre itinéraires incompatibles, un itinéraire n’est rendu libre que lorsque le train qui le parcourt a dépassé le point de sortie :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 9
Figure n° 9

Le schéma nous montre l’itinéraire n° 2, Marseille – Paris par la voie 3 (Turquoise) en conflit avec l’itinéraire n° 1, Paris – Marseille voie 2 (Rouge). Considérons que ITN Turquoise soit en cours d’exécution et que ITN Rouge soit demandé. En transit rigide ITN Rouge ne pourra être exécuté que lorsque le train sur ITN Turquoise aura dépassé le point S en direction de Paris. Pendant toute la durée d’exécution de ITN Turquoise le train 2 sera bloqué à hauteur du signal ITN S 21.

Le transit souple

Ce concept s’est imposé avec l’augmentation du trafic ferroviaire afin de permettre une plus grande fluidité dans la circulation des trains. Ainsi, lorsque 2 itinéraires ont en commun plusieurs appareils de voie et sont de ce fait incompatibles dans le mode de transit rigide, ils peuvent néanmoins s’exécuter simultanément en transit souple dès lors que le premier itinéraire enclenché ne comporte plus d’appareils de voie en commun avec le second en attente, quand bien même le convoi qui parcourt le premier itinéraire n’aurait pas encore franchi le point de sortie :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 10
Figure n° 10

Reprenons les mêmes itinéraires que précédemment et observons dans le schéma ci-dessus ce qui se passe en transit souple. Le train 2 est arrêté à hauteur de S 21 comme pour le transit rigide mais les choses diffèrent de façon significative lorsque le train 1 a franchi TJD 1 sur l’itinéraire Turquoise. En effet, il n’existe alors plus de cause de conflit entre les 2 itinéraires puisqu’à partir du moment ou le train 1 a franchi le point S1 rien ne s’oppose à l’exécution de l’itinéraire Rouge. L’enclenchement de ITN Rouge se fait alors à ce moment-là sans qu’il soit nécessaire d’attendre que le train 1 ait dépassé S, le point de sortie.

Le transit souple permet donc de réduire les délais d’attente liés aux incompatibilités. Le gain de temps sera d’autant plus considérable que le faisceau de voies comportera un nombre important d’itinéraires et que le trafic mettra en jeu une circulation dense de trains dans les deux sens de marche. C’est le cas des grandes gares parisiennes où la circulation des trafics banlieue et grandes lignes peut se faire sur une centaine d’itinéraires possibles au niveau du faisceau entrée-sortie de la gare.

En application de ces deux principes, la SNCF a conçu à l’époque deux types de postes de régulation :

  1. Le poste tout relais automatique ou PRA assurant la gestion du transit en mode rigide,
  2. Le poste tout relais à transit souple ou PRS.

Les postes PRA et PRS dont l’appellation se fondait sur la technologie des relais électro-magnétiques sont aujourd’hui dépassés avec l’apparition de la gestion numérisée. Cependant ces sigles, mêmes s’ils sont désuets, demeurent souvent employés en modélisme car ils correspondent à des régimes d’exploitation d’itinéraires dont les principes sont parfaitement transposables et applicables dans un univers de modélisme ferroviaire virtuel tel qu’EEP.

Etablissement du tableau des incompatibilités

Le tableau ci-dessous est celui qui sera utilisé pour la pose des contacts de voie assurant l’incompatibilité entre les itinéraires. Les croix rouges indiquent bien évidemment les incompatibilités. Le travail que nous venons d’effectuer montre que sur une configuration assez simpliste (rien à voir avec le gril d’entrée de la gare de Dijon ou celui de Lyon-Perrache) la réalisation d’un automatisme de gestion d’itinéraires sécurisés se révèle être malgré tout un travail complexe et minutieux. Mais le résultat est à la hauteur du mal que l’on se donne. La circulation des trains sur un faisceau de gare important avec un trafic dense donne un résultat spectaculaire :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 11
Figure n° 11
Méthodologie conseillée pour l’élaboration du tableau des incompatibilités

D’un point de vue strictement pratique pour limiter les erreurs, le tableau ci-dessous vous donne la meilleure procédure à suivre. Comme je l’ai indiqué plus haut avec l’exemple de l’ITN 1 il convient de commencer par la lecture horizontale d’une ligne d’itinéraire. Dans l’exemple ci-dessous nous procédons à l’inventaire des itinéraires incompatibles avec ITN 2.

Dans la mesure du possible pour la réalisation des tableaux 8 et 11 faites-vous aider par une personne de votre entourage. Cela permet de limiter les erreurs.

Compte tenu du risque important d’erreurs de lecture il y a lieu d’être très méthodique dans la réalisation du tableau des incompatibilités. Une exploitation ordonnée s’impose donc. Voici donc un exemple à partir de l’itinéraire Paris-Marseille voie 3 (ITN 2) :

Image Les itinéraires et EEP partie 2 - Figure 12
Figure n° 12
Etape 1

Pour ce faire nous commençons par une lecture horizontale de la ligne ITN 2 Paris – Marseille. Dès la première colonne (TJD 1) nous constatons qu’elle est renseignée ITN 2. Il faut donc vérifier maintenant les incompatibilités avec les autres itinéraires par une lecture verticale de la colonne TJD 1.

Etape 2

Cette lecture verticale nous indique que ITN 2 est incompatible avec ITN 1, ITN 4, ITN 5, ITN 6, ITN 7. Nous cochons avec un X donc les cases correspondantes dans le tableau des incompatibilités.

Etape 3

Une fois achevée l’étape 2 nous reprenons la lecture horizontale de la ligne ITN 2. Les colonnes Ag 101, Ag 102 et Ag 301 ne sont pas renseignées. Il n’y a donc pas d’incompatibilités pour ITN 2 par rapport à ces appareils de voie. Arrivés à la colonne Ag 302 nous observons qu’elle est renseignée. Il y a donc des incompatibilités. Il nous faut donc procéder comme à l’étape 2 en effectuant une lecture verticale sur cette colonne.

Etape 4

Cette étape nous montre pas moins de 9 incompatibilités allant de ITN 4 à ITN 12 inclus. Les incompatibilités ITN 4 à ITN 7 ayant déjà été cochées à l’étape 2 il nous suffit de reporter les incompatibilités ITN 8 à ITN 12 sur la ligne ITN 2 en cochant les cases correspondantes avec un X comme précédemment.

Etape 5

Une fois le report effectué dans le tableau d’incompatibilités nous reprenons à nouveau en étape 5 la lecture horizontale de la ligne ITN 2. Nous constatons aussitôt que la colonne suivante Ag 303 est renseignée. Il nous faut donc procéder à une lecture verticale sur cette colonne comme pour les colonnes précédentes. Ce sera l’objet de l’étape 6.

Etape 6

Lecture verticale et report des incompatibilités comme pour les étapes 2 et 4.

Etape 7

Reprise de la lecture horizontale de la ligne ITN 2.

Etape 8

La colonne TJD 2 étant renseignée nous reportons les incompatibilités dans le tableau ad hoc.

Cette étape termine l’exploitation de la ligne ITN 2. Il nous faudra poursuivre de la même manière cette procédure jusqu’à la ligne ITN 12 pour que le tableau d’incompatibilités soit intégralement rempli.

Remarque : sur le tableau des incompatibilités, Il y a lieu de porter l’incompatibilité d’un ITN avec lui-même. Cela peut paraître curieux si l’on considère que le train au moment où il agit sur le contact du relais d’approche et d’appel d’itinéraire ne peut être que seul. Certes, mais une fois ce train engagé sur l’itinéraire un second train peut arriver juste derrière lui sur la même ligne et demander le même itinéraire. Ne pas considérer un ITN comme incompatible avec lui-même conduirait dans ce cas de figure à autoriser le second train à entrer sur un itinéraire déjà occupé par le premier train ce qui est une aberration sauf s’il s’agit, par exemple, d’une locomotive en manœuvre qui doit venir s’accoupler à un train en attente en gare. Nous verrons par la suite comment traiter ce cas de figure qui pour l’instant sort du cadre de notre étude.

Conclusion

Cet article vous a montré le travail préparatoire à effectuer nécessaire si on ne veut pas s’exposer à des problèmes insolubles de fonctionnement en cascade.

Bonne lecture et n’hésitez pas à me contacter sur le forum si tel ou tel point de cet article ne vous paraît pas clair.

L’article suivant sera entièrement consacrée à la construction d’un automatisme en transit rigide. Au terme de cette fiche chacun pourra alors se lancer dans la réalisation d’un automatisme sur ses propres réseaux.

A bientôt !

Cet article est à présent terminé. Si vous avez des questions ou des suggestions, n’hésitez pas à contacter François par mail.

Merci pour vos commentaires utiles. Amusez-vous à lire un autre article.

L’équipe eep-world.com.

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